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verain, éprouvé, pour remédier à l'amour de soi et à la sensualité mondaine.» Devant de tels exemples, le peuple s'ébranlait. « Il n'y a pas d'enfant, écrivait une dame à l'évêque Bonner, qui ne vous appelle Bonner le bourreau, et ne sache sur ses doigts, comme son Pater, le nombre exact de ceux que vous avez brûlés au bûcher ou fait mourir de faim en prison pendant ces neuf mois.... Vous avez perdu les cœurs de vingt mille personnes qui étaient des papistes invétérés il y a un an. » Les assistants encourageaient les martyrs, et leur criaient que leur cause était juste. « On dit même, écrivait l'envoyé catholique, que plusieurs se sont voulu volontairement mettre sur le bûcher à côté de ceux que l'on brûlait1. » En vain la reine avait défendu, sous peine de mort, toutes les marques d'approbation. « Nous savons qu'ils sont les hommes de Dieu, criait l'un des assistants, c'est pourquoi nous ne pouvons nous empêcher de dire: Que Dieu les fortifie. » Et tout le peuple répondait: « Amen, amen. » Rien d'étonnant si, à l'avénement d'Elisabeth, l'Angleterre entra à pleines voiles dans le protestantisme; les menaces de l'Armada l'y poussèrent plus avant encore, et la Réforme devint nationale sous la pression de l'hostilité étrangère, comme elle était devenue populaire par l'ascendant de ses martyrs.

1. Dépêche de Renard à Charles-Quint.

IV

Deux branches distinctes reçoivent la séve commune, l'une en haut, l'autre en bas : l'une respectée, florissante, étalée dans l'air libre; l'autre méprisée, à demi enfouie sous terre, foulée sous les pieds qui veulent l'écraser; toutes deux vivantes, l'anglicane comme la puritaine, l'une malgré l'effort qu'on fait pour la détruire, l'autre malgré les soins qu'on prend pour la développer.

La cour a sa religion comme la campagne, religion sincère et qui gagne; parmi les poésies païennes qui jusqu'à la Révolution occupent toujours la scène du monde, insensiblement on voit percer et monter le grave et grand sentiment qui a plongé ses racines jusqu'au fond de l'esprit public. Plusieurs poëtes, Drayton, Davies, Cowley, Giles Fletcher, Quarles, Crashaw, écrivent des récits sacrés, des vers pieux ou moraux, de nobles stances sur la mort et l'immortalité de l'âme, sur la fragilité des choses humaines et sur la suprême providence en qui seule l'homme trouve le soutien de sa faiblesse et la consolation de ses maux. Chez les plus grands prosateurs, Bacon, Burton, sir Thomas Brown, Raleigh, on voit affleurer la vénération, la préoccupation de l'obscur au delà, bref la foi et la prière. Plusieurs des prières qu'écrivit Bacon sont entre les plus belles que l'on sache, et le courtisan Raleigh, contant la chute des empires, et

LITT. ANGL.

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comment « une populace de nations barbares avait abattu enfin ce grand et magnifique arbre de la domination romaine, achevait son livre avec les idées et l'accent d'un Bossuet1. Qu'on se représente l'église de Saint-Paul à Londres, et le beau monde qui s'y donne rendez-vous, les gentilshommes qui traînent bruyamment sur le parvis leurs éperons à molettes, qui lorgnent et causent pendant le service, qui jurent par les yeux de Dieu, par les paupières de Dieu, qui, entre les arceaux et les chapelles, étalent leurs souliers garnis de rubans, leurs chaînes, leurs écharpes, leurs pourpoints de satin, leurs manteaux de velours, leurs façons de bravaches et leurs gestes d'acteurs. Tout cela est fort libre, débraillé même, bien éloigné de la décence moderne. Mais laissez passer la fougue juvénile, prenez l'homme aux grands moments, dans la prison, dans le danger, ou même seulement quand l'âge vient, quand il arrive à juger la vie; prenez-le surtout à la campagne, sur son domaine écarté, dans l'église du village dont il est le patron, ou bien seul le soir, à sa table, écoutant la prière que son chapelain récite, et n'ayant d'autres livres que quelque gros in-folio de drames graissé par les doigts de ses pages, son Prayer Book et sa Bible; vous comprendrez alors comment la religion nouvelle trouve

1. « O éloquente, juste et puissante mort! Celui que personne n'osait avertir, tu l'as persuadé. Ce que personne n'osait faire, tu l'as fait. Celui que tout le monde a flatté, toi seule tu l'as jeté hors du monde et méprisé. Tu as ramassé ensemble toute la grandeur si fort tendue, tout l'orgueil, la cruauté, l'ambition de l'homme, et couvert tout ensemble de ces deux mots étroits: Hic jacet. »

prise sur ces esprits imaginatifs et sérieux. Elle ne les choque point par un rigorisme étroit; elle n'entrave point l'essor de leur esprit; elle n'essaye point d'éteindre la flamme voltigeante de leur fantaisie; elle ne proscrit pas le beau ; elle conserve plus qu'aucune église réformée les nobles pompes de l'ancien culte, et fait rouler sous les voûtes de ses cathédrales les riches modulations, les majestueuses harmonies d'un chant grave que l'orgue soutient. C'est son caractère propre de n'être point en opposition avec le monde, mais au contraire de le rattacher à sɔi en se rattachant à lui. Par sa condition civile comme par son culte extérieur, elle en est embrassée et l'embrasse; car elle a pour chef la reine, elle est un membre de la constitution, elle envoie ses dignitaires sur les bancs de la chambre haute; elle marie ses prêtres; ses bénéfices sont à la nomination des grands, ses principaux membres sont les cadets des grandes familles par tous ces canaux, elle reçoit l'esprit du siècle. Aussi entre ses mains, la réforme ne peut pas devenir hostile à la science, à la poésie, aux larges idées de la Renaissance. Au contraire, chez les nobles d'Élisabeth et de Jacques ler, comme chez les cavaliers de Charles Ier, elle tolère les goûts de l'artiste, les curiosités du philosophe, les façons mondaines et le sentiment du beau. L'alliance est si forte que, sous Cromwell, les ecclésiastiques en masse se firent destituer pour le prince, et que les cavaliers par bandes se firent tuer pour l'Église. Des deux parts, les deux mondes se touchent et se confondent. Si plusieurs

poëtes sont pieux, plusieurs ecclésiastiques sont poëtes; l'évêque Hall, l'évêque Corbet, le recteur Wither, le prédicateur Donne. Si plusieurs laïques s'élèvent aux contemplations religieuses, plusieurs théologiens, Hooker, John Hales, Taylor, Chillingworth, font entrer dans le dogme la philosophie et la raison. On voit alors se former une littérature nouvelle, élevée et originale, éloquente et mesurée, armée à la fois contre les puritains qui sacrifient à la tyrannie du texte la liberté de l'intelligence, et contre les catholiques qui sacrifient à la tyrannie de la tradition l'indépendance de l'examen, également opposée à la servilité de l'interprétation littérale et à la servilité de l'interprétation imposée. En face des premiers paraît le savant et excellent Hooker, un des plus doux et des plus conciliants des hommes, un des plus solides et des plus persuasifs entre les logiciens, esprit compréhensif, qui en toute question remonte aux principes1, fait entrer dans la controverse les conceptions générales et la connaissance de la nature humaine2; outre cela, écrivain méthodique, correct

1. The Ecclesiastical policy, 1594. In-folio.

2. That which doth assign unto each thing the kinde, that which doth moderate the force and power, that which doth appoint the form and measure of working, the same we term Law....

Now, if Nature should intermit her course, and leave altogether, though it were but for a while, the observation of her own laws; if those principal and mother elements of the world, whereof all things in this lower world are made, should lose the qualities which now they have; if the forme of that heavenly arch erected over our heads should losen and dissolve itself; if celestial spheres should forget their wonted motions; if the prince of the Light of Heaven,

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