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hymne que continue la congrégation. Il y a un autre lieu de prière, aussi peu décoré et non moins vénéré, le foyer domestique, où chaque soir le père de famille, devant ses serviteurs et ses enfants, fait tout haut la prière et lit l'Écriture. Austère et libre religion, toute purgée de sensualité et d'obéissance, toute intérieure et personnelle, qui, instituée par l'éveil de la conscience, ne pouvait s'établir que chez des races où chacun trouve naturellement en soi-même la persuasion qu'il est seul responsable de ses œuvres et toujours astreint à des devoirs.

III

Sans doute c'est par une porte bâtarde que la réforme entre en Angleterre; mais il suffit qu'une porte s'ouvre, telle quelle; car ce ne sont pas les manéges de cour et les habiletés officielles qui amènent les révolutions profondes; ce sont les situations sociales et les instincts populaires. Quand cinq millions d'hommes se convertissent, c'est que cinq millions d'hommes ont envie de se convertir. Laissons donc de côté les parades et les intrigues d'en haut, les scrupules et les passions de Henri VIII', les complaisances et les adresses de Cranmer, les variations et les bassesses du Parlement, les oscillations et les lenteurs de la

1. Voyez Froude, History of England. La conduite de Henri VIII est présentée là sous un nouveau jour.

Réforme, commencée, puis arrêtée, puis poussée en avant, puis d'un coup violemment refoulée, enfin épandue sur toute la nation, et endiguée dans un établissement légal, établissement singulier, bâti de pièces disparates, mais solide pourtant et qui a duré. Tout grand changement a sa racine dans l'âme, et il n'y a qu'à regarder de près dans cette région profonde pour découvrir les inclinations nationales et les irritations séculaires dont le protestantisme est issu.

Cent cinquante ans auparavant, il avait été sur le point d'éclore; Wicleff avait paru, les lollards s'étaient levés, la Bible avait été traduite; la chambre des communes avait proposé la confiscation de tous les biens ecclésiastiques; puis, sous le poids de l'Église, de la royauté et des lords réunis, la réforme naissante écrasée était rentrée sous terre, pour ne plus reparaître que de loin en loin par les supplices de ses martyrs. Les évêques avaient reçu le droit d'emprisonner sans jugement les laïques suspects d'hérésie; ils avaient brûlé vivant lord Cobham; les rois avaient pris parmi eux leurs ministres; assis dans leur autorité et dans leur faste, ils avaient fait plier noblesse et peuple sous le glaive laïque qui leur avait été remis, et, dans leur main, le rigide réseau de lois qui depuis la conquête enserrait la nation de ses mailles, était devenu encore plus étroit et plus blessant. Les actions vénielles s'y étaient trouvées prises comme les actions criminelles, et la répression judiciaire, portée sur les péchés aussi bien que sur les attentats, avait changé la police en inquisition : « Offenses contre la chas

teté1, hérésie ou choses sentant l'hérésie, sorcellerie, ivrognerie, médisance, diffamation, paroles impatientes, promesses rompues, mensonge, manque d'assistance à l'église, paroles irrévérentieuses à propos des saints, non-payement des offrandes, plaintes contre les tribunaux ecclésiastiques,» tous ces délits imputés ou soupçonnés conduisaient les gens devant les tribunaux ecclésiastiques, avec des frais énormes, parmi de longs délais, à de grandes distances, sous une procédure captieuse, pour aboutir à de grosses amendes, à des emprisonnements rigides, à des abjurations humiliantes, à des pénitences publiques et à la menace souvent accomplie des supplices et du bûcher. Qu'on en juge par un seul fait le comte de Surrey, un parent du roi, fut traduit devant un de ces tribunaux pour avoir manqué au maigre. Imaginez, si vous le pouvez, la minutieuse et incessante oppression d'un pareil code; à quel point toute la vie humaine, actions visibles et pensées invisibles, y était enveloppée et enlacée; comment, par les délations forcées, il pénétrait dans chaque foyer et dans chaque conscience; avec quelle impudence il se transformait en machine d'extorsions; quelle sourde colère il excitait dans ces bourgeois, dans ces paysans obligés parfois de faire et de refaire soixante milles pour laisser accroché à chacune des innom

1. Froude, I, 175, 191. Petition of Commons. Cette récrimination publique et authentique montre tout le détail de l'organisation et de l'oppression cléricales.

brables griffes de la procédure1 un morceau de leur épargne, parfois toute leur substance et toute la substance de leurs enfants! On réfléchit quand on est ainsi foulé; on se demande tout bas si c'est bien par une délégation de Dieu que les voleurs mitrés pratiquent ainsi la tyrannie et le pillage; on regarde de plus près dans leur vie; on veut savoir s'ils observent eux-mêmes la régularité qu'ils imposent à autrui; et tout d'un coup l'on apprend d'étranges choses. Le cardinal Wolsey écrit au pape que « les prêtres séculiers et réguliers commettent habituellement des crimes atroces pour lesquels, s'ils n'étaient pas dans les ordres, ils seraient promptement exécutés 2, et que les laïques sont scandalisés de les voir non-seulement échapper à la dégradation, mais jouir d'une impunité parfaite.» Un prêtre convaincu d'inceste avec la prieure de Kilbourne est condamné pour toute peine à porter une croix à la procession et à payer trois shillings et quatre pence; à ce taux, je réponds qu'il recommencera. Dès le règne précédent, les gentilshommes et les fermiers du Carnavonshire déposaient une plainte pour accuser le clergé de débaucher, de parti pris, leurs femmes et leurs filles. Il y avait des maisons de prostitution à Londres pour l'usage particulier des prêtres. Quant aux abus du confessionnal, lisez dans les originaux'

1. Froude. I, 26, 193. Great and excessive fees. Voyez le détail, ib. 2. En mai 1528. Froude, I, 179, 85, 201; II, 435.

3. Hale's Criminat causes; Suppression of the monasteries, Camden Society's publications.

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les intimités auxquelles ils donnent lieu. Les évêques distribuent des bénéfices à leurs enfants encore tout jeunes; le saint père prieur de Maiden Bradley n'en avait que six, dont une fille déjà mariée sur les biens du monastère. » Dans les couvents « les moines boivent après la collation jusqu'à dix heures ou midi, et viennent à matines, ivres.... Ils jouent aux cartes, aux dés.... Quelques-uns n'arrivent à matines. que quand le jour baisse, et encore seulement par crainte des peines corporelles. » Les visiteurs royaux trouvaient des concubines dans les appartements secrets des abbés. Au monastère de Sion, les moines confesseurs des nonnes les débauchent et les absolvent tout ensemble. Il y eut des couvents, dit Burnet, où toutes les religieuses furent trouvées grosses. Environ les deux tiers» des moines d'Angleterre vivaient de telle sorte, que le Parlement entendant le rapport officiel s'écria d'une seule voix : « A bas les moines1!» Quel spectacle pour un peuple en qui le raisonnement et la conscience commencent à s'éveiller! Bien avant le grand éclat, la colère publique grondait sourdement et s'amassait pour la révolte; des prêtres étaient hués dans les rues ou jetés dans le ruisseau; des femmes refusaient de recevoir l'hostie consacrée par une main qu'elles appelaient immonde. Quand l'appariteur ecclésiastique venait citer les délinquants, on le chassait en l'injuriant.

1. « Down with them.» (Latimer's Sermons) 2. Horsyn Preste. Hale, 99.

LITI ANGL.

11-20

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