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Il a été reconnu, dans tous les temps et chez tous les peuples policés, qu'un homme, à l'insçu de son semblable, peut lui faire du bien, et que s'il n'est jamais permis de faire le préjudice d'un autre, il l'est toujours de contribuer à son avantage, quoiqu'il n'en ait pas donné le mandat.(1)

Le commissaire Danois, à défaut de tout mandat particulier ou spécial, pourrait peut-être se prévaloir de ces principes pour justifier les démarches qu'il fait, auprès du conseil des prises, dans la cause ou dans les affaires de ses compatriotes absens. Qui les défendra, s'il ne les défend pas, et si par leur éloignement ou par d'autres circonstances, ils sont dans l'impossibilité de se défendre eux-mêmes ?

Cependant, comme, dans l'état de nos sociétés, il importe au maintien de l'ordre public et à la tranquillité, ainsi qu'à la sûreté des particuliers, que les actions en justice ne soient pas populaires, il est de maxime constante et universelle que l'intérêt seul est le principe de l'action, et qu'il faut être partie ou muni d'un pouvoir de la partie, pour pouvoir intervenir dans un litige. On a cru qu'il était nécessaire de prévenir les incursions dangereuses que des esprits entreprenans ou inquiets peuvent faire dans des choses qui ne les concernent pas. On a cru encore que, pour arrêter les indiscrétions d'un faux zèle, il était utile de prescrire des limites à la bienfaisance même.

Mais on a établi, près toutes les administrations et tous les tribunaux, un ministère public, connu aujourd'hui, en France sous le nom de commissaire du gouvernement, qui est le défenseur-né de tous ceuxqui n'en ont point, qui est partie principale dans les affaires importantes, et partie jointe dans toutes. Cette institution admirable, qui manquait aux anciens, est une barrière contre les surprises, les dénis de justice, les violences et les abus. La partie publique agit, et tous les droits sont conservés. Elle veille, et tous les citoyens sont tranquilles. Elle exerce toutes les actions du public. Elle est la vive-voix

(2) Si quis absentis negotia gesserit, licet ignorantis, tamen quidquid utiliter in rem ejus impenderit....habeat eo nomine actionem. Lib. II. ibid. Sufficit, si utiliter gessit. Lib. X.

du faible et du pauvre. Elle représente les absens; et, parmi nous, une de ses principales fonctions, selon le témoignage du savant et vertueux d'Aguesseau, est de faciliter l'accès de la justice aux étrangers, de proposer leur défense, de leur offrir un appui, et de se rendre à leur égard le garant de la loyauté nationale.

Le commissaire Danois ne doit donc point s'alarmer, si je réclame les régles qui ne permettent qu'aux parties où à leurs fondés de pouvoirs d'exercer des actions et de former des demandes. L'intérêt de protection, qu'il doit à ses compatriotes, suffit pour l'autoriser à éclairer la religion des membres du conseil par des notes, par des instructions, par des mémoires. Jamais on ne doit dédaiguer les moyens de connaître la vérité. De quelque part qu'elle vienne, elle a des droits sur l'esprit et sur le cœur des hommes.

En ma qualité de commissaire du gouvernement, je suis particulièrement obligé de faire valoir les exceptions favorables aux étrangers qui sont forcés de plaider en France, et d'encou rager, par l'impartialité de mon ministère, des hommes traînés hors du lieu de leur naissance et de leurs habitudes, des hommes aux-quels il importe de persuader que rien n'est possible de ce qui ne serait pas juste. Il n'est point de Français qui ne me désavouât si je professais d'autres principes. Notre nation s'est toujours distinguée par ses procédés décens et modérés envers les autres peuples. Elle a rempli l'Europe de la gloire de ses armes; mais l'équité, la générosité sied bien à la toute-puissance.

J'ai donc pensé que si je ne pouvais regarder le commissaire Danois comme partie ou comme représentant de quelqu'une des parties intéressées, il était toujours de mon devoir d'examiner sa demande, et de la regarder comme un éveil donné à ma sollicitude; je serais dans le cas, si cette demande paraissait fondée, de la réaliser en mon nom, malgré le silence des parties et de leurs défenseurs. Car les objets, dont la sûreté et la conservation, pendant le litige, sont réclamées par le commissaire Danois, sont sous la garde du droit des gens. Or, en pareille occurence, je pourrais agir d'office, comme ayant les actions du

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gouvernement, qui est le gardien naturel, dans l'état, de tout ce qui repose sous la foi publique.

Je passe donc à l'examen foncier de la demande qui a été soumise à votre décision.

Cette demande tend à faire ordonner la mise en sûreté ou le cautionnement du produit des ventes, dans les contestations sur la validité des prises Danoises, antérieures au 4 nivôse dernier.

On ne peut nier que, pendant le litige, la chose litigieuse doit être en sureté, et que rien ne doit être innové pendant le procès. Ce principe général, dicté par le bon sens et par la raison, a été appliqué à la matière des prises, par tous les règlemens qui régissent cette matière.

On lit par-tout qu'en général il ne doit y avoir ni vente, ni déchargement avant le jugement de la prise ; que la vente provisoire ne peut avoir lieu que dans le cas où la prise serait dans un danger reconnu de dépérissement pour le navire ou la cargaison, et encore dans le cas où la prise serait reconnue constamment ennemie ; que le produit des ventes provisoires doit être assuré par le dépôt ou par le cautionnement.

Le commissaire Danois est rassuré, par l'arrêté des consuls, du 6 germinal, pour toutes les prises postérieures au 4 nivôse d'auparavant. Il ne réclame l'autorité du conseil que pour les prises faites avant cette époque.

Mais ici les diverses époques ne doivent pas être confondues. Avant l'établissement du conseil des prises, la matière des prises suivait l'ordre hiérarchique des tribunaux. Comme dans les autres matières, on pouvait recourir au tribunal de cassation, pour faire annuler le jugement rendu par le tribunal d'appel. Tout était conduit d'après les principes ordinaires de l'ordre judiciaire.

Parmi les contestations sur les prises antérieures au 4 nivôse, il y en a qui étaient pendantes au tribunal de cassation, quand le conseil des prises a été institué. D'autres étaient et sont encore devant les tribunaux d'appel, ou peut-être même devant les tribunaux de première instance.

D'après le vœu de tous les règlemens, les précautions pour la mise en sureté d'une prise, ne doivent cesser qu'après que la validité ou l'invalidité de cette prise a été définitivement jugée; d'où le commissaire Danois conclut que, tant qu'il y aura litige

devant quelque tribunal que ce soit, même celui de cassation, il faut continuer les précautions conservatoires.

Mais on peut répondre que l'on regardait une prise comme définitivement jugée, quand le tribunal d'appel avait prononcé sur sa validité ou sur son invalidité. En effet, dans les principes de l'ordre judiciare, les jugemens des tribunaux d'appel sont des jugemens définitifs et en dernier ressort, dont aucune puissance, dans l'état, ne peut empêcher ni suspendre l'exécution.

L'appel a, par lui-même, un effet dévolutif, et il a de plus un effet suspensif, toutes les fois que l'on ne se trouve dans aucun des cas où les lois autorisent l'exécution provisoire des juge mens de première instance.

Le recours en cassation n'a aucun des effets ni des caractères de l'appel. Par ce recours, il n'y a ni dévolution de la matière, ni suspension du jugement contre lequel on l'exerce.

Le tribunal à qui le recours en cassation est porté, n'est juge que des infractions de formes, ou des contraventions formelles aux lois; il ne peut prononcer sur le bien ou le mal jugé ; il est tenu, quand il casse, de renvoyer le fond de la contestation à un autre tribunal.

Le tribunal de cassation est plutôt le gardien des lois que l'arbitre de l'intérêt des parties. C'est l'institution par laquelle le législateur surveille, maintient et protége son propre ! ouvrage.

Par l'événement de la cassation, une cause est agitée de nouveau. Mais le jugement, qui la terminait, était définitif ; il tenait lieu de la vérité même, res judicata pro veritate habetur. La cassation le fait disparaître, en le déclarant nul. Mais tant qu'il existe, il est le dernier terme de la justice nationale; il peut être anéanti et non réformé. Il est aussi souverain que la loi, à moins qu'il ne soit constaté que le magistrat qui l'a rendu cherchait à être plus puissant que la loi même.

Il est donc évident que, tant que la matière des prises a été laissée aux tribunaux ordinaires, il n'y avait plus lieu à continuer des précautions conservatoires, après le jugement d'un tribunal d'appel, vu que des précautions uniquement relatives à un état que l'on suppose provisoire, ne peuvent avoir de vie que jusqu'au jugement définitif.

Je sais que tout est changé depuis la loi qui dépouille les tribunaux de la matière des prises, et depuis l'établissement du conseil auquel cette matière a été attribuée.

Mais quels sont les effets de ce changement? S'étendent-ils sur le passé, ou n'ont-ils trait qu'à l'avenir?

Les contestations qui ne sont plus pendantes devant aucun tribunal, et dans lesquelles tous les degrés de jurisdictions et tous les genres de recours ont été épuisés, sont terminées irrévocablement.

Celles que le nouvel ordre de choses a trouvé pendantes au tribunal de cassation, pouvaient revivre; suivant le langage des jurisconsultes, elles étaient encore dans le hasard des jugemens, in aleû judiciorum Si la nullité du jugement attaqué était reconnue, la question du fond demeurait entière, comme si elle n'avait point été définitivement jugée, et le renvoi en était fait à d'autres juges.

Dans les contestations dont je parle, le conseil des prises remplace à la fois et le tribunal de cassation où elles étaient pendantes, et le tribunal auquel elles auraient été renvoyées à la suite d'une sentence ou d'un jugement de cassation. Le conseil des prises n'a donc point une compétence limitée à des points de procédure ou de forme, et l'on voit, par les termes dans lesquels est conçu le titre de son établissement, que les questions foncières sur la validité ou invalidité des prises maritimes, sont le véritable objet de son attribution.

Il était possible, dira-t-on, que si l'ancien ordre êut été conservé, le tribunal de cassation n'eut point jugé nuls la plupart des jugemens qui lui étaient dénoncés comme tels, et, dans, ce cas, les parties que ces jugemens intéressaient, n'eussent pas été exposées à de nouvelles incertitudes sur le fond de leurs différends. J'en conviens; mais il était également possible que la cassation fut prononcée. Dans le doute, faut-il que le conseil des prises prononce sur des questions de forme, avant de se croire autorisé à prononcer sur les questions du fond? Mais, se trouvant juge du fond et de la forme, il séparerait des choses que son attribution unit; il manquerait le but principal de son établissement; il agirait contre le bon sens et la raison qui ne permettent pas de sacrifier la justice essentielle à de VOL. VI.

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