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des Jardins est on ne peut pas plus uniforme, ce sont des préceptes dont les formules éternellement répétées fatiguent bientôt le Lecteur; ces préceptes sont suivis ou précédés de quelques traits de critique assez heureux, mais tenant presque tous à la même idée; des descriptions composées de vers brillans, harmonieux et pittoresques, mais formant rarement de grands tableaux, sont pour ainsi dire les seuls épisodes du Poëme; car pourrait-on appeler ainsi le petit morceau déjà cité dans ces feuilles sur l'O-Taïtien Potavéri, celui des Amours de Pétrarque et de Laure, l'Eloge du capitaine Cook, les Voeux pour la paix, et quelques autres également faibles?

Nous ne nous piquons que d'être justes; M. de Rivarol trouve beaucoup mieux à faire et poursuit ainsi.

« Les amis de M. l'abbé Delille (pour des en» nemis je ne lui en connais pas...), les amis de » M. l'abbé Delille sont très-fâchés que dans » un ouvrage sur la Nature il ait dédaigné cette >> sensibilité des anciens qui anime tout jus

qu'aux moindres détails, et cette philosophie >> des modernes qui allie sans cesse les observa» tions de la ville aux sensations de la campa»gne (1); qu'il ait méprisé la mélancolie douce » des Allemands et la richesse des imaginations anglaises. Mais si les indifférens veulent con

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(1) C'est ce que personne n'a su faire plus heureusement que M. de Saint-Lambert, et c'est ce qui doit assurer au Poëme des Saisons un succès durable,

» clure de ces plaintes même que M. l'abbé De» lille n'a jamais eu ni sensibilité ni enthou» siasme, ses amis le disculpent très-bien, en >> disant qu'on doit chercher le secret du génie » d'un écrivain dans la vie qu'il a menée; ils >> observent que M. l'Abbé s'est trop dissipé avec >> tout Paris, et qu'il y a trop réussi par son en» jouement et ses bons mots pour qu'il ait songé » à plaire aux âmes sensibles et mélancoliques. » C'est dans la solitude qu'on approfondit son >> cœur et sa langue, et M. l'Abbé déteste la so» litude; c'est aux champs que Virgile s'écriait: » O ubi campi! et M. l'Abbé n'aime pas les champs. Mais ils espèrent bien que ses ta>> bleaux légèrement esquissés et ses images de profil plaïront aux gens du monde, sans leur » causer la fatigue d'une seule sensation. >>

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Quoiqu'il manque de sensibilité, de philosophie et d'enthousiasme, et quoique M. de Saint-Lambert, Gesner et Tompson aient de tout cela, n'est-il pas admirable qu'il ait été placé fort au-dessus d'eux par la voix publique ? et n'est-ce pas moins un autre Virgile que nous avons, comme on vient de l'imprimer? Tant l'éclat des épithètes, quelques formes de style, le mécanisme de certains vers, et surtout la coquetterie des lectures particulières ont excité le zèle des Dames et des gens du monde (1)!

(1) Un homme d'esprit, qui avait des succès fous dans les sociétés, disait Où n'irai-je point, si les gens de lettres laissent dire les gens du monde?

Mais au fond je suis charmé de vous dire, >> Monsieur, que ses amis sont vraiment conster» nés de ne pas retrouver au Poëme des Jardins » quelque physionomie des Géorgiques ; ils s'at» tendaient que leur poëte aurait rapporté du >> commerce de Virgile cette logique lumineuse » qui enchaîne les pensées, les beautés, les épi» sodes au sujet, ces transitions heureuses, enfin » ce fil secret qui fait que l'esprit suit l'esprit » dans sa route invisible. »>

Je me lasse de transcrire les observations malignes qu'accumule le détracteur d'un excellent poëte, d'un homme aimable et qui méritait plus d'égards.

Tout méchant qu'est ce persiflage, il renferme quelques traits de vérité. Le Poëme des Jardins a été plus acheté qu'il n'a été lu, et beaucoup plus lu dans ce moment qu'il ne le sera dans l'avenir; on peut douter même qu'il ait ajouté infiniment à la réputation de l'auteur. Sa Traduction des Géorgiques avait déjà prouvé tout son talent pour les vers; les gens de lettres s'accordent même assez généralement à trouver dans la versification de ses Géorgiques un goût plus pur, une correction plus soutenue, moins de manières et le mérite d'une plus grande difficulté vaincue. On voit, d'un autre côté, si peu d'invention dans le Poëme des Jardins, tant de réminiscences, tant d'imitations des Poëtes étrangers, et surtout de Pope et de Milton, qu'il ne paraît guère s'être élevé dans ce nouveau Poëme au

dessus du rang qui lui était déjà si bien acquis. A la bonne heure; il n'y en aurait pas moins d'ingratitude à ne pas le remercier d'avoir enrichi notre langue de tous les beaux vers dont le Poëme des Jardins est rempli. S'il y a beaucoup de négligences dans le troisième Chant, si dans tous les autres on rencontre de la sécheresse, de l'affectation, de la recherche et de l'uniformité, le style de l'ouvrage ne se distingue pas moins en général par une grande élégance, par le rhythme le plus flexible et le plus harmonieux. La peinture des jardins de Versailles et de Marly, la destruction de ce parc, le chef-d'œuvre d'un grand Roi, de Le Nôtre et des ans, le tableau des ruines de Rome, la Ferme, tous ces morceaux, restés dans le souvenir de toutes les personnes qui les avaient entendus, n'ont rien perdu à l'impression, et suffiraient pour prouver que personne depuis Racine n'a possédé, dans un degré plus éminent que M. l'abbé Delille, et tous les secrets de notre langue, et toutes les ressources de notre poésie. Remercions-le ainsi de ses Jardins; mais demandons-lui l'Enéide, qu'il nous promet depuis tant d'années. Traduire paraît être son vrai talent, et il n'y eut jamais un talent plus digne de traduire Virgile. Munus Apolline dignum.

VERS sur M. le comte du Nord.

Quand d'une nouvelle Astrée

J'entendais célébrer l'empire glorieux,
Aux transports qu'inspirait sa puissance adorée
Une larme en secret s'échappait de mes yeux.
Immortelle, sans doute au sein de l'Empirée
Elle doit remonter un jour.

Peut-être, hélas! de tant d'heureux prodiges
L'avenir ne verra que de faibles vestiges....
Mais un astre nouveau sourit à notre amour.
Sa jeune et vive lumière

Ouvre aux destins du Nord la plus vaste carrière.
Loin de tes bords, Newa, l'erreur fuit sans retour.
Fils d'Astrée, il suivra ce sublime modèle,
Et du torrent des temps il domptera le cours.
Des monumens fondés par elle

La gloire durera toujours.

Il faut qu'une comédie satirique soit bien médiocre pour ne pas même obtenir le succès du moment; mais il faut que l'auteur de cette comédie soit plus gauche encore que sa pièce pour la donner, lorsque le seul intérêt qui pouvait la soutenir est sinon oublié, du moins entièrement refroidi. C'est la sottise que vient de faire M. Cailhava d'Estandoux. Ses Journalistes anglais, représentés, pour la première fois, le 20 du mois dernier, avaient déjà été reçus par les Comédiens en 1778. Telle qu'elle est, si la pièce eût été jouée alors, on peut présumer que tant d'auteurs si mal menés par M. de La Harpe n'eussent rien négligé pour la faire applaudir; car c'est contre lui que sont dirigés les principaux traits du

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