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isolés et ceux qui sont commis au cours d'une guerre civile ou d'un soulèvement. Le jugement qui ne s'inspire que des principes du droit pénal ne peut faire autrement que d'apprécier la situation particulière dans laquelle se trouve placée la personne qui, soit par ellemême, soit par d'autres, a commis ou fait commettre des actes de violence au cours d'un soulèvement plus au moins préparé. Pour l'un comme pour l'autre, aucune responsabilité ne serait encourue, si le rôle qu'ils jouent avait une base légale et régulière. Considérons, en effet, l'inculpé non pas comme le chef ou comme le partisan d'une bande d'insurgés, mais comme le général ou comme le simple soldat d'une véritable armée : ses actes trouvent leur justification dans les exigences du service, dans la nécessité, ou bien dans un ordre auquel il ne peut se soustraire.

Pour apprécier si le chef a obéi à une nécessité et si l'ordre donné par lui à ses subordonnés était obligatoire pour ceux-ci, il est évident qu'il ne faut pas se mettre à la place de l'État contre le gouvernement duquel est dirigée l'insurrection. Pour lui, en effet, il y a délit commis par cela seul que l'inculpé s'est mis dans le cas de subir un commandement ou de céder à une contrainte. Mais tout autre est le point de vue de l'État étranger. Le fait de prendre part à une insurrection contre un Gouvernement étranger ne constitue un crime au regard de la législation autrichienne qu'autant qu'il s'agit d'un Gouvernement ami. Cette affiliation n'est donc pas nécessairement punissable. Le tribunal étranger ne peut exiger de ceux qui, après avoir pris part à une révolution, sont soumis à sa juridiction, qu'ils jouent leur vie en refusant d'obéir aux ordres qui leur sont donnés et de ceux qui ont dirigé le mouvement à ses débuts, qu'ils s'en désintéressent, au péril de leur tête peut-être, le jour où ils cessent d'approuver ses conséquences imprévues. En un mot, le tribunal étranger ne peut pas admettre la liberté et la responsabilité de ceux dont la situation exclut toute indépendance.

Lorsqu'il s'agit de l'État lésé lui-même, l'application de la loi pénale aux actes criminels commis au cours d'un soulèvement résulte de ce qu'il dénie à ceux qui combattent l'ordre de choses légal le droit de légitime défense. Mais l'État étranger, pour lequel le maintien des institutions attaquées ne constitue pas la loi suprême, n'a aucune raison pour agir ainsi. Du moment qu'il ne considère pas comme étant criminelle en soi la résistance à l'autorité constituée en pays étranger, mais que, fidèle au principe de la non-intervention, il tient la balance égale entre les deux partis qui se disputent le pouvoir, il ne saurait favoriser l'un au détriment de l'autre, en refusant de voir une cause d'impunité dans le péril présent ou dans la légitime défense qui, de droit commun, supprime la criminalité, par ce motif que l'auto

rité dont procède le danger et contre laquelle l'inculpé s'est défendu est seule légitime, que sa résistance contre cette autorité est illégale, ou encore que le danger qui le menace ne résulte que de sa participation à une révolte coupable.

Nous devions commencer par établir l'analogie qui existe, au point de vue de l'État neutre, entre la situation des combattants dans une guerre civile et celle des combattants dans une guerre internationale. Elle nous amène à la question de savoir si l'extradition doit être accordée à raison des délits commis au cours d'une guerre civile; notre réponse est que l'extradition ne peut leur être appliquée qu'autant que les faits dont il s'agit ne sont pas justifiés par les usages de la guerre, et que, dans le cas contraire, elle doit être refusée. M. Dudley Field paraît avoir le premier formulé une proposition en ce sens (1). Après lui vient l'Association pour la réforme et la codification du droit des gens qui, dans sa session de La Haye en 1875 a décidé, contrairement aux conclusions de son rapporteur, M. Coninck Liefsting, que « L'extradition n'aura pas lieu pour un fait commis dans une commotion ou lutte politique intérieure, si ce fait, commis dans la guerre, pouvait être justifié selon le droit des gens (2). Plus tard, M. Westlake s'est rallié à cette opinion dans son rapport à la National Association for the Promotion of social science. Enfin l'Institut de droit international a, dans son congrès d'Oxford en 1880, adopté, à une majorité de douze voix contre neuf, la résolution suivante, proposée par le même M. Westlake, d'accord avec Bluntschli et M. de Martens (3): « Pour apprécier les faits commis au cours d'une rébellion politique, d'une insurrection ou d'une guerre civile, il faut se demander s'ils seraient ou non excusés par les usages de la guerre. Cette proposition, qui avait déjà eu contre elle l'opposition très vive du vénérable président de l'Institut, M. Mountague Bernard et de Pierantoni (4), n'a pas tranché la question d'une manière définitive, ainsi qu'on a pu le constater plus tard. Depuis lors, elle a été, en effet, pour une foule de criminalistes et de jurisconsultes internationaux, l'objet de critiques auxquelles on peut dire qu'elle n'a pas résisté (5).

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(1) Draft outlines of an international Code, art. 215. Cet ouvrage a été traduit en italien par M. le professeur Pierantoni en 1874, et en français par M. Albéric Rolin, Paris et Gand, 1881. Comp. Brusa (Annuario, II, 136).

(2) Brusa (Annuario, 1881, II, p. 136). Comp. aussi Bulletin de la Société de législ. comparée, 1878, p. 379.

(3) Annuaire de l'Institut, t. III et IV, p. 295 (session de Bruxelles). (4) Annuaire de l'Institut, t. V, p. 118.

(5) Parmi ceux qui ont combattu cette formule, on peut citer notamment MM. von Liszt (Zeitschrift, II, pp. 73 et suiv.), et Brusa (Annuario, II, pp. 132 et suiv.). De même, M. von Bar (Gerichtssaal, xxxiv, 1883, p. 504) met ses défauts en évidence, et c'est en vain que M. Alphonse Bard (Précis de dr. intern. pénal

«

C'est dans la deuxième édition de l'ouvrage de Fiore qu'apparaît surtout le sophisme sur lequel cette proposition est basée (1). Cet auteur si compétent en matière de droit public, et plus particulièrement en matière de droit pénal international, démontre qu'un but politique ne doit pas innocenter l'individu qui, au cours d'une guerre civile, a commis contre les personnes ou contre les propriétés un attentat qui ne saurait se justifier par la nécessité de le consommer pour atteindre le but politique. » L'assimilation que l'on établit entre les crimes de droit commun commis dans un but politique et les délits purement politiques tient à ce que les uns sont souvent le moyen indispensable d'arriver à commettre les autres. Si donc un État étranger ne croit pas devoir lutter contre ceux-ci, il est également obligé,. dans une certaine mesure, de paraître ignorer ceux-là. Il va sans dire d'ailleurs que la place privilégiée qui est faite aux délits politiques relatifs ne peut être réclamée par des infractions commises, il est vrai, au cours d'une guerre civile, mais ne poursuivant qu'un but personnel, tel que la cupidité, l'amour du plaisir, la haine ou la vengeance, et en aucune manière la réalisation d'un but politique, encore que peut-être elles puissent y contribuer d'une manière imprévue, par l'intimidation d'un adversaire politique. C'est donc avec raison que Fiore continue: «De même que l'on admet la culpabilité des membres des armées régulières qui, durant les opérations de la guerre, commettent des actes qui ne peuvent pas être justifiés à raison des nécessités de l'attaque ou de la défense, de même aussi devrait-on admettre celle des individus qui, en prenant part à une guerre civile, commettent un délit de droit commun qui n'est pas nécessité par cette guerre. »

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De son côté, M. Arntz, répondant sans doute au questionnaire que lui avait adressé M. Renault (2), a proposé d'excepter de l'extradition « les délits communs, lorsqu'ils sont des moyens indispensables ou du moins très utiles, pour perpétrer le délit politique (3), tandis qu'il refuse d'admettre que l'on puisse voir un délit politique dans le fait de l'homme qui, en vue de soutenir une insurrection, livre au pillage une caisse publique, et même, dans notre opinion, le coffrefort d'un particulier (4). Nous ne pouvons accepter la conclusion de

et privé, Paris, 1883, pp. 47 et suiv.) essaie de la justifier par une interprétation des plus subtiles.

(1) Éd. Antoine, p. 600. Ce passage manque dans la première édition (Effetti internazionali delle sentenze et degli atti, II, 1877). La priorité appartient donc sans conteste aux travaux de M. Westlake.

(2) Annuaire de l'Institut de droit intern., t. V, p. 70.

(3) Annuaire, t. V, p. 84.

(4) On dit que le sujet russe livré par la France à son Gouvernement à raison

M. Fiore, qui ne soustrait à l'extradition les attentats commis pendant une guerre civile contre les personnes ou les biens que lorsqu'ils sont de telle nature que l'impunité aurait été assurée en temps de guerre à leurs auteurs faisant partie d'une armée régulière.

Il existe une très grande différence entre les nécessités d'une guerre civile et celles d'une guerre étrangère. Certains actes de violence qui, dans une guerre étrangère, sont inutiles aussi bien à l'attaque qu'à la défense, sont indispensables au début ou au cours d'une guerre civile. Ne faut-il point parfois jeter la terreur dans l'esprit des populations? bornons-nous à rappeler le boycotting en Irlande.

Les règles usitées dans la guerre internationale condamnent un grand nombre d'actes que la guerre civile ne peut éviter. Il est impossible notamment d'observer, dans les premiers temps d'une guerre civile, les formes auxquelles le droit moderne de la guerre subordonne l'ouverture régulière des hostilités. Où et comment des insurgés trouveront-ils tout d'abord les uniformes et les insignes par lesquels le droit de la guerre distingue les combattants des non-combattants? Comment arriver immédiatement à l'unité du commandement et à sa responsabilité qui couvre et innocente l'acte du subordonné ? Les ressources nécessaires pour acquérir les armes, les munitions, les provisions de bouche, les moyens de transport, etc., ne feront-ils pas défaut aux insurgés à l'origine de leur soulèvement? Attribuera-t-on aux bons de réquisition délivrés par eux la même valeur qu'à ceux distribués par le Gouvernement légal attaqué?

Tandis que ce Gouvernement traite, comme il est naturel, les insurgés non pas en prisonniers de guerre, mais en déserteurs et en traîtres, et les livre comme tels à la sévérité de ses tribunaux, le droit de la guerre permettra-t-il aux insurgés de voir des espions dans les éclaireurs de l'armée régulière, nécessité incontestable de leur défense? Et leur permettra-t-il, d'autre part, d'exercer sur un territoire dont les habitants ont adhéré au soulèvement, les droits d'une armée d'occupation? Il sera souvent difficile de discerner si, à un‣ moment donné, les habitants d'une région se sont ou non ralliés à l'insurrection et, par conséquent, lequel des deux Gouvernements en lutte a le droit d'y faire prévaloir son autorité.

Dans toutes les hypothèses que nous venons de parcourir, il est donc à craindre que le Gouvernement auquel est demandée l'extra

d'un détournement de deniers publics, et dont l'extradition a été invoquée par ce dernier comme constituant un précédent en faveur de l'extradition de Hartmann, aurait échappé à toute mesure de rigueur, si le Gouvernement français avait ajouté foi à ses allégations, tendant à représenter son vol comme ayant eu en vue de subvenir aux entreprises du parti révolutionnaire russe (Comp. Calvo, Droit intern., 1880, 1269).

dition d'un insurgé vaincu et le Gouvernement qui le réclame ne puissent se mettre d'accord sur le point de savoir si le fait qui lui est reproché est ou non conforme au droit de la guerre. Une formule comme celle proposée par l'Institut aboutit à des difficultés internationales sérieuses, à l'oppression des États les plus faibles par les plus forts et ainsi précisément aux inconvénients que le droit des gens, en posant des règles formelles, se propose de rendre impossibles.

La guerre civile se produit dans des conditions si différentes, surtout au début, de celles d'une guerre internationale, qui met aux prises des deux côtés des troupes régulières, assujetties à une discipline sévère, qu'on ne peut appliquer à ses divers incidents les règles qui gouvernent la guerre entre deux États. De ce que le Gouvernement menacé dans son existence ne regarde pas ses adversaires comme des ennemis, mais comme des criminels, il s'ensuit nécessairement qu'il se croit fondé à employer contre eux des moyens réprouvés par le droit des gens en matière internationale. Au contraire, l'emploi de semblables moyens par les insurgés contre les troupes du Gouvernement légal sera considéré par ce dernier comme une atteinte au droit des gens. La ruse et la perfidie, lorsqu'elles sont dirigées contre des criminels, paraissent de bonne guerre. Le Gouvernement attaqué n'aura donc souvent aucun scrupule à emprunter les insignes, les uniformes et les étendards des insurgés pour les faire tomber dans une embuscade. Mais il y a là précisément une raison pour qu'un Gouvernement étranger, résolu à garder la neutralité, n'envisage pas comme une faute contre le droit des gens le fait d'insurgés qui revêtent, en vue d'un guet-apens, les insignes du Gouvernement légal, alors qu'un semblable procédé semblerait, dans une guerre étrangère, contraire à la probité internationale. Ainsi encore, le Gouvernement légal n'hésitera pas à mettre à prix la tête du chef de l'insurrection, le traitant ainsi non comme un belligérant mais comme un criminel; et, cela étant, comment refuser au chef des insurgés, menacé dans son existence, le droit de mettre à prix la tête de son adversaire? Or, les lois de la guerre condamnent absolument un semblable procédé (1), et on peut se demander si les tribunaux d'un État neutre pourront condamner l'un et l'autre comme coupables de meurtre ou d'atteinte à la liberté individuelle. De toute manière, le Gouvernement attaqué sera porté à user contre les rebelles des moyens que le droit des gens lui défendrait d'employer contre un ennemi. A-t-il à sa disposition des troupes indisciplinées et barbares? Il les lancera contre l'insurrection, encore qu'il ne puisse s'en servir dans une guerre

(1) Comp. Perels, Das internat. off. Seerecht, p. 194.

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