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le frapper. L'examen de la moralité de ce but doit, quand il s'agit d'un acte politique, porter beaucoup plus loin que quand il est question d'un acte relatif à des intérêts privés. Pour juger si l'acte politique est délictueux, il ne faut pas seulement interroger ses conséquences immédiates, mais il convient de tenir compte également de ses résultats les plus indirects, qu'il est souvent difficile de prévoir. Dans le doute, la Puissance qui n'en a pas ressenti les premiers effets devra accorder l'impunité à ses auteurs, et l'État directement touché par l'attentat politique n'a pas la sérénité nécessaire pour en apprécier la criminalité.

Ainsi, le Gouvernement menacé se fera, par la force même des choses, une idée particulière du délit politique. N'en apercevant que l'influence actuelle sur ses destinées, il qualifiera crime tout acte de violence ayant pour objet de le renverser. Rien de mieux, à un certain point de vue ; car, s'il en était autrement, les innovations n'auraient pas à justifier, en triomphant des résistances qui leur sont opposées, leur droit à l'existence, et le développement historique des peuples serait plus souvent arrêté qu'il ne l'est par les expériences de politiciens incapables.

A moins d'avoir un intérêt personnel au maintien d'institutions étrangères, l'incertitude qui plane sur les résultats de tout événement politique important est, pour les tierces Puissances, une excellente raison pour se désintéresser du châtiment de ses fauteurs.

On s'accorde généralement à reconnaître aujourd'hui que, si un État a le droit de garder la neutralité entre deux nations belligérantes, il est également fondé à rester neutre en présence des factions intestines qui les divisent, à s'abstenir de porter un jugement sur la légitimité de la cause qu'elles défendent, ou tout au moins à s'interdire toute intervention effective dans leurs dissensions. Le droit d'intervention, proclamé par la Sainte Alliance, n'appartient plus qu'à l'histoire.

Le droit des gens moderne ne fait pas un devoir à l'État de punir ou de livrer l'auteur d'un acte de haute trahison dirigé contre une Puissance étrangère, tout au moins lorsque cet acte, considéré soit en lui-même, soit dans les attentats individuels qui s'y rattachent, revêt le caractère d'un événement historique, d'une guerre civile. Chaque État, d'ailleurs, est maître de reconnaître aux insurgés la qualité de belligérants et de soustraire ainsi leurs faits de guerre à l'application de sa loi pénale, quelque fondée qu'elle puisse être.

La répression des crimes politiques contre un État étranger rencontre également, dans la législation pénale interne, des difficultés sérieuses les caractères distinctifs auxquels on reconnaît ces crimes n'y sont, pour ainsi dire, jamais indiqués que pour la forme. En

mettant à part l'attentat contre la vie d'un souverain, le crime de haute trahison comprend, d'une manière générale, toute tentative, quelle qu'elle soit, ayant pour objet de renverser la constitution d'un État ou de diminuer son territoire, et les autres délits politiques ne sont pas spécifiés, quant à leur objet, d'une manière plus topique. La même étiquette pénale peut donc servir, suivant les variations de la constitution qu'elle protège, à désigner des délits d'une nature très différente. L'histoire de l'article 87 du Code pénal français est, à cet égard, particulièrement curieuse. Le titre sous lequel il est placé a reçu depuis 1810 quelques modifications; mais son texte a subi des remaniements bien plus importants, destinés à l'adapter aux divers Gouvernements qui se sont succédé en France: le premier Empire, la Monarchie restaurée de 1814, le Gouvernement des Cent jours, la Monarchie de 1815, la Monarchie bourgeoise, la République de 1848, et, par un retour de fortune, le second Empire et la troisième République, dans les étapes constitutionnelles qu'ils ont parcourues. Et si, dans les limites d'un même État, la conception du crime politique a, pendant un laps de temps relativement court, éprouvé tant de vicissitudes, à bien plus forte raison doit-il en être ainsi dans les rapports de deux ou plusieurs États indépendants. Le législateur qui réprimerait l'attentat contre une constitution étrangère laisserait, par cela même, un blanc-seing à remplir aux autres États, et il serait toujours aux ordres de la constitution qu'il leur plairait d'adopter ou de subir. Étant données les divergences qui séparent les institutions du dedans de celles du dehors, en Allemagne il serait criminel de vouloir faire ce qu'il serait criminel d'empêcher en Angleterre ou en Belgique, et réciproquement. Vérité en deçà, erreur au delà ! » Mettre la constitution des autres États sous l'égide tutélaire de sa loi pénale, ce serait donc protéger l'inconnu et s'engager à punir l'in

connu.

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A ces considérations qui, empruntées au droit des gens et au droit pénal, s'opposent à la répression des délits politiques dont un État étranger est victime, viennent s'en joindre d'autres : des considérations de procédure. On se heurte à des obstacles presque insurmontacles, lorsqu'il s'agit de discerner avec exactitude la nature du fait incriminé, de découvrir son auteur, de faire la part de sa volonté et de ses prévisions dans les conséquences de son action, de déterminer l'étendue de sa responsabilité pénale, de voir s'il n'a pas obéi à cette contrainte irrésistible que subissent souvent les meneurs d'un mouvement populaire.

S'il est impossible aujourd'hui à l'historien, pour qui les archives de toute l'Europe n'ont pas de secret, d'arriver à la certitude sur la culpabilité ou sur l'innocence de Wallenstein, quelle confiance pour

rait-on avoir dans l'équité d'une sentence rendue par des fonctionnaires sur la foi des preuves fournies par l'accusation?

En dépit des difficultés que rencontre la saine appréciation des faits politiques, ils ne peuvent être rayés de l'histoire, car cette histoire elle-même se confond fréquemment avec eux.

Il va sans dire qu'un Gouvernement a toujours le droit de repousser par la force les entreprises qui menacent son existence, et de prendre des mesures pour prévenir leur retour. Mais il peut arriver qu'il soit obligé de sévir contre des attentats visant l'organisation politique d'une autre Puissance.

M. le Dr Lammasch examine, dans l'étude signalée ci-dessus (p. 249, en note), la question de la légitimité des poursuites dirigées contre l'auteur de l'attentat politique, dans le cas où, menaçant un État étranger, il aurait été commis sur le territoire d'un État n'ayant pas naturellement compétence pour en connaître, et il les justifie par des raisons tirées de l'intérêt politique de ce dernier et des principes du droit.

Deux motifs le conduisent spécialement à cette solution.

1. Le premier, c'est le danger commun que présente un délit de

cette nature.

L'extension des rapports internationaux intéresse à plus d'un égard les citoyens de chaque État au maintien de l'ordre dans les États voisins. Dans combien de cas les établissements fondés par nos nationaux en pays étranger, les biens meubles ou immeubles qu'ils y possèdent, les relations d'affaires qu'ils entretiennent avec ses habitants ne les rendent-ils pas solidaires de la prospérité de ses finances et de ses institutions? M. Heinze le remarque avec beaucoup de raison (1): s'il est un crime également dangereux pour tous les États, c'est celui qui menace l'un d'eux dans son existence, dans sa sécurité, et nous pouvons ajouter dans sa constitution. Par crime également dangereux pour tous (gemeingefährliches Verbrechen), nous entendons celui duquel peut résulter un préjudice indéterminé dans son étendue. Semblable à l'incendiaire qui, pour détruire la maison de son ennemi, met en péril une ville tout entière, le révolutionnaire, qui poursuit un changement dynastique au sein d'un État, ou qui veut contraindre le souverain à se dessaisir, au profit d'un parlement, de quelques-unes de ses prérogatives royales, compromet la vie et la fortune de ceux qui seront victimes de son entreprise. Les suites possibles du crime de haute trahison dépassent donc de beaucoup les prévisions de son auteur. Et le jugement que l'État étranger pourra porter sur lui sera différent, suivant qu'il tiendra compte du but poursuivi ou du résul

(1) Goltdammer's Archiv f. preussiches Strafrecht, XVII,

p. 746.

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tat atteint, même à contre-cœur, par le criminel politique. Répétons-le d'ailleurs cet État n'a pas toujours un avantage égal au maintien des institutions que l'insurgé veut renverser, et, si son propre intérêt est en désaccord avec elles, il n'aura pas qualité pour punir les attentats dirigés contre leur existence. Mais, à l'inverse, il importe grandement à toutes les Puissances que la paix et la tranquillité règnent dans les États avec lesquels leurs nationaux entretiennent des relations d'affaires, ou sur le territoire desquels ils résident. C'est à ce point de vue que le crime de haute trahison, dirigé contre tel État, constitue pour tous un commun péril, et le devoir de protection qui leur incombe vis-à-vis de leurs nationaux, même à l'étranger, leur fait un devoir d'aider à sa répression.

2.

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Il est encore une autre raison qui invite le législateur de chaque État à poursuivre les attentats commis sur son territoire contre l'organisation politique d'une Puissance étrangère. S'il leur assure l'impunité, il est évident que l'État lésé fera tous ses efforts pour s'emparer de la personne de ceux qui les ont conçus. Tout Gouvernement soucieux de l'inviolabilité de ses frontières doit lui-même empêcher qu'elles ne deviennent le théâtre de menées d'autant plus perfides que leurs auteurs sont plus loin du châtiment. A ce prix-là seulement il pourra imposer aux autres Puissances le respect de son sol.

Examinons maintenant la question de savoir si un État a le droit et le devoir de concourir à la poursuite et à la répression d'un crime politique contre un Gouvernement étranger, alors même que le fait incriminé aurait été commis non plus sur son territoire, mais sur celui de l'État lésé ou d'une tierce Puissance (1).

(1) Jusqu'ici les auteurs, exclusivement préoccupés des questions d'extradition, ont presque entièrement négligé la solution de ce problème. Les controverses soulevées à propos de l'extradition des criminels politiques sont exposées avec détails dans les monographies suivantes : A. Billot, Traité de l'extradition, Paris, 1874 ; Coninck-Liefsting, Mémoire sur le principe: pas d'extradition pour les délits politiques, La Haye, 1875; Teichmann, Les délits politiques, le régicide et l'extradition, dans la Revue de droit international, XI, 1879, pp. 475 et suiv.; L. Renault, Des crimes politiques en matière d'extradition, extrait du Journal du droit international privé, 1880; A. Weiss, Étude sur les conditions de l'extradition, Paris, 1880; Brusa, Del delitto politico in rapporto con l'estradizione, dans l'Annuario delle scienze giuridiche, sociali e politiche, II, Milano, 1881, pp. 87 et suiv.; Hoseus, Nichtauslieferung politischer Verbrecher, dans le Jahrbuch für Gesetzgebung de Schmoller, V, 1043 et suiv.; les rapports de MM. Pfenniger et Serment, à la dix-huitième réunion annuelle du congrès juridique suisse (Comptes rendus de cette réunion, Berne, 1880); Soldan, L'extradition des criminels politiques, extrait de la Revue générale du droit, Paris, 1882, et A. Curet, Des délits politiques au point de vue de l'extradition, dans La France judiciaire, 1882, pp. 453 et suiv.

Des deux idées que nous avons développées ci-dessus, il résulte que, dans cette hypothèse, un État n'est jamais obligé, ou ne l'est du moins que dans une mesure très restreinte, à punir l'attentat dirigé de son territoire contre des institutions politiques étrangères. L'attentat a-t-il été consommé à l'étranger, cette circonstance, purement extérieure et sans influence aucune sur sa criminalité intrinsèque, suffit à exclure toute compétence de sa part, ainsi que nous allons le voir (1). L'État étranger, lorsqu'il a à connaître d'un délit politique, s'attache, nous le savons, plutôt aux atteintes, même inattendues, qu'il a portées aux droits et aux intérêts privés, qu'aux résultats politiques poursuivis par son auteur.

On comprend, dès lors, qu'un État impose un respect absolu de ses intérêts à ceux qui se trouvent sur son territoire et qui y vivent à l'abri de ses institutions; et l'on comprend aussi qu'il les rende responsables du dommage qu'ils leur auront involontairement et accidentellement causé. Il est donc entièrement dans son droit, lorsqu'il punit un crime politique contre un Gouvernement étranger, à raison du contre-coup indirect et parfois tout à fait imprévu qu'il en a ressenti.

Mais on aurait peine à soutenir que l'État exerce des droits semblables sur l'étranger qui se trouve hors de ses frontières; que la France, par exemple, quelque indifférent que lui soit le maintien de la forme impériale au Japon, puisse édicter des peines contre ceux qui tenteraient de la renverser par la force, en se fondant sur cette seule considération que les banqueroutes occasionnées par la révolution pourraient atteindre des sujets français résidant au Japon.

Il est plus évident encore que la seconde raison que nous avons invoquée ci-dessus pour justifier la répression d'un délit politique dirigé du territoire national contre un État étranger disparaît, lorsque l'attentat a été commis au dehors. Si, dans ce dernier cas, l'État lésé ne peut mettre la main sur le coupable, ce n'est pas par respect pour l'inviolabilité de notre territoire : il ne peut s'en prendre qu'à la négligence ou à l'impuissance de ses agents qui lui ont permis de se réfugier chez nous. Peut-on voir dans ce manquement à leurs devoirs un titre à notre concours?

De ce que l'État a parfois occasion de punir certaines infractions politiques commises sur son sol contre la sûreté d'une autre Puis

(1er août); M. van Steenwyk, Over de misdryven waarby wegens hun staatkundig Karakter, uitlevering is uitgesloten, Leyden, 1877; Roszkowski, O Azylach i Okstradijcij, Lemberg, 1882.

(1) Voy., en ce sens, von Mohl, Staatsrecht, Völkerrecht und Politik, t. I, pp. 717 et suiv., et von Bar, Internationales Privat-und Strafrecht, p. 597, note 16.

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