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AVANT-PROPOS

M. le docteur H. Lammasch, professeur extraordinaire de droit à l'Université de Vienne, déjà connu par plusieurs dissertations intéressantes, consacrées au droit criminel international dans diverses revues juridiques, a publié récemment, sur le Droit d'extradition appliqué aux délits politiques, une brochure des plus remarquables, où se trouvent exposées avec autorité les idées qui ont cours en Allemagne sur cette matière si délicate et si neuve encore.

Les effroyables attentats qui, depuis quelques années, soulèvent l'unanime réprobation des peuples civilisés, donnent au problème de l'extradition des criminels politiques. une actualité qui grandit malheureusement tous les jours. Telle est la raison qui nous a déterminés à rendre accessible au public français, avec l'assentiment gracieux de l'auteur, le beau travail de notre collègue.

Désireux de conserver à son œuvre sa physionomie originale, nous nous sommes fait un devoir d'en respecter le texte, sans nous astreindre toutefois à une traduction littérale; nous nous sommes bornés, au risque d'y laisser subsister quelques obscurités, à n'y introduire que de rares annotations, nécessaires à sa parfaite intelligence.

Puissions-nous, par cette modeste contribution aux pro

grès d'une science qui est loin d'avoir dit son dernier mot, ajouter une page à l'histoire déjà si brillamment écrite en France par notre éminent maître de la Faculté de droit de Paris, M. L. Renault!

A. WEISS et P. LOUIS-LUCAS.

Dijon, décembre 1884.

LE

DROIT D'EXTRADITION APPLIQUÉ AUX DÉLITS POLITIQUES

D'APRÈS LE Dr H. LAMMASCH (1)

CHAPITRE PREMIER.

Pourquoi l'on fait, en droit international, une place à part aux délits politiques.

Parmi les questions touchant au droit criminel et au droit international, qui puisent dans les événements de ces dernières années une regrettable actualité, un intérêt particulièrement douloureux s'attache à celle de savoir si un Etat est tenu de poursuivre et de punir l'individu qui, coupable d'un attentat politique contre une Puissance étrangère, s'est réfugié sur son territoire, ou si, tout au moins, il ne doit pas le livrer à l'État que son entreprise a lésé.

Tout d'abord, à moins de vouloir rendre de parti pris la solution de ce problème impossible, il convient de rejeter loin de nous deux conceptions différentes du délit politique dirigé contre un État étranger :

a) Il suffit de jeter un coup d'œil sur ce qui s'imprime chaque jour pour se convaincre qu'il n'est pas inutile, ainsi qu'on pourrait le penser, de se mettre en garde contre l'apothéose du crime et des criminels politiques. Personne ne songe à nier que, parmi les condamnés politiques, il ne se soit rencontré des caractères très purs et très élevés, ayant fait au bonheur de leurs concitoyens le sacrifice d'euxmêmes et de leurs familles ; mais, à côté de ces martyrs de la loi pénale, que de misérables sans scrupule ont fait du bien de milliers d'hommes l'enjeu de leur ambition et de leur cupidité!

Lorsque le droit international fait une place à part aux délits politiques, ce n'est donc pas qu'à la différence des infractions de droit

(1) Das Recht der Auslieferung, wegen politischer Verbrechen, von Dr. Heinrich Lammasch, a. o., Professor der Rechte an der Wiener Universität. Wien, 1884, broch. in-8°.

commun, ces délits n'aient jamais rien d'immoral ou de déshonorant. Le plus souvent, il n'en sera pas ainsi ; et d'ailleurs, suffit-il qu'un crime ne contienne en soi aucun élément de déshonneur pour mériter un traitement privilégié ? Qu'il s'agisse d'une infraction ordinaire, en vain son auteur alléguerait, pour se soustraire à l'extradition, la pureté du mobile auquel il a cédé.

b) Il serait également inexact d'affirmer, d'une manière absolue, que l'organisation politique d'un État est toujours pour les autres chose indifférente; d'où il résulterait qu'un Gouvernement n'a jamais ni intérêt au maintien d'un autre Gouvernement, ni qualité pour combattre les tentatives inconstitutionnelles dirigées contre son existence (1). Ici quelques développements sont nécessaires.

Il ne peut être question des États où le pouvoir, confisqué par un homme ou par une classe de la société, se détourne des intérêts généraux pour se consacrer exclusivement à la satisfaction d'intérêts individuels. N'est-il pas évident qu'un Gouvernement étranger n'est pas obligé de favoriser un semblable égoïsme, en aidant à punir l'insurgé dont le seul crime est d'avoir défendu ses droits menacés contre le despotisme? Nul ne le soutiendra, quand les victimes de ce despotisme sont nos nationaux établis sur le territoire étranger, ou entretenant des relations avec ses habitants.

Et, même en laissant de côté ces cas exceptionnels, l'histoire de l'humanité oblige tout observateur impartial à reconnaître que plus d'une nation a trouvé, dans ses révolutions politiques, le secret de ses destinées nouvelles. Effacer de sa vie toutes les entreprises criminelles tentées avec ou sans succès par le Gouvernement ou par ses adversaires, c'est, par cela même, supprimer nombre d'institutions souvent très utiles qui en découlent. L'auteur de ces entreprises ne peut les apprécier avec équité : le temps et la distance sont nécessaires à un jugement impartial. Il n'est possible qu'à l'historien séparé des événements par de longues années, ou encore au chef d'un État étranger. Aussi bien une loi ne saurait-elle obliger ce dernier à réprimer un mouvement dans lequel sa clairvoyance pressent une source abondante de prospérités. La mission du droit pénal, ne l'oublions pas, quelque paradoxal que ce point de vue puisse paraître à plusieurs, est toujours de diminuer les scuffrances humaines, de remédier à un mal général par un mal particulier. C'est là la raison d'être de la peine : elle seule la justifie. Si donc le fait accompli a eu pour but de corriger les injustices du sort, aucun châtiment ne doit

(1) Comp., sur cette question, la dissertation de M. Lammasch, intitulée : Les crimes politiques commis contre les États étrangers (Zeitschrift für die gesammte Strafrechtswissenschaft, 1883. III, pp. 376 et suiv.).

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